« La liberté consiste à ne dépendre que des lois. »
Ces quelques mots en guise de titre, prononcés jadis par Voltaire, prennent de plus en plus de sens dans notre beau pays, et les futures dispositions faites vis-à-vis de l’internet en France ne devraient pas arranger cet état de fait. Il est encore trop tôt pour parler de censure, et ce serait des propos bien disproportionnés, mais force est de constater que le berceau de l’esprit des Lumières marche sur la planche savonneuse de la privation des libertés numériques. Que la France ferme peu à peu le « robinet internet » et son ouverture vers la connaissance.
Entrons donc dans le vif du sujet. La commission des lois
a voté le 22 Juillet 2014 la possibilité du blocage administratif des sites faisant l’apologie du terrorisme, sans aucune intervention de la justice. Cette loi sera présentée en septembre 2014 devant l’Assemblée Nationale, mais bien des députés de tout bord pensent qu’elle n’a que peu de chance de ne pas être adoptée tant elle est appréciée par le 1er Ministre. Elle permettra donc à l’Etat, sous couvert de l’invocation de la sacro-sainte menace terroriste, de bloquer purement et simplement tout site faisant l’apologie du terrorisme. En soit, me direz-vous, rien de bien grave et quelque chose de très louable. Oui mais… comment éviter les abus ? Comment éviter les erreurs ? Comment éviter que sous prétexte d’apologie du terrorisme des sites soient fermés alors que leur seule faute est d’être contre les idées de tel ou tel gouvernement ?
Nombre d’organisations, de députés et de professionnels du net se soulèvent contre ce projet de loi jugé trop répressif et potentiellement inefficace comme par exemple la commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique et qui rappelle que « le préalable d’une décision judiciaire apparaît comme un principe essentiel, de nature à respecter l’ensemble des intérêts en présence, lorsque est envisagé le blocage de l’accès à des contenus illicites sur des réseaux numériques ». Et d’ajouter qu’ils sont quelques uns, les rares députés ayant compris le fonctionnement d’internet, a essayé de s’opposer à cette éternelle tentative du contrôle de la toile que l’on retrouve depuis des années à droite comme à gauche. Comme si nous gouvernants, les uns après les autres, tentaient de contrôler une chose qu’ils n’arrivent pas à comprendre.
Vouloir et Pouvoir ?
Dans tous les pays pratiquant déjà la censure partielle ou totale d’internet, les
réseaux privés virtuels (VPN) sont rois, et la France ne ferait pas exception. D’ailleurs, depuis l’avènement de la loi Hadopi, ils sont nombreux les internautes français à débourser quelques euros par mois afin de passer outre la surveillance du réseau. Ces services proposent à leurs utilisateurs de passer outre d’éventuelles restrictions sur le réseau et, entre autres choses, de garder un anonymat relatif sur internet. En permettant, involontairement ou par ignorance, l’utilisation accrue de ces méthodes l’Etat aura moins l’occasion de compter sur les imprudences des terroristes sur internet qui permettait à la police de les repérer et de les arrêter (dixit en 2013 le juge antiterroriste Marc Trévidic).
De plus, la commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique va jusqu’à craindre le blocage de contenus par erreur comme ce fût le cas en Australie où des sites n’ayant rien à voir avec le terrorisme ou la pédopornographie s’étaient retrouvé sur la liste noire des sites à bloquer.
Reporters sans frontières y étant également aller de son communiqué en mettant en garde la France sur un texte qui « pourrait engendrer un recul de la liberté d’information puisqu’il (…) prévoit le blocage administratif de sites internet et augmente les mesures de surveillance ».
Le collectif citoyen
La Quadrature du Net considère quant à lui que « C’est un test majeur pour la défense des droits et libertés contre l’instauration de mesures très graves de police préventive de l’intention, contournant le judiciaire au nom de la lutte contre le terrorisme ».
Mettre en avant ce que l’on veut taire
L’effet pervers d’un tel projet serait de mettre en avant, au lieu de les rendre invisible, tous ces sites que l’Etat placerait sur liste noire. A l’heure du tout information, avec les WikiLeaks et autres Snowden, il ne faudrait pas longtemps pour rendre public des sites dont le commun des utilisateurs d’internet n’aurait même pas soupçonner l’existence. Une « publicité » facile pour les cyber-recruteurs de machines humaines de mort.
La sacro-sainte raison de lutte contre le terrorisme, ou comme elles font, j’en suis sûr, souvent sourire certains devant les films et séries américaines « la raison d’état » ou « la sécurité nationale », ne doivent pas être des raisons de privation de la liberté de l’information dans notre beau pays comme dans notre monde d’ailleurs. Il faut garder en tête cette citation de l’académicien Auguste Barbier :
« Le génie a besoin de liberté pour vivre. »
Source principale : www.lepoint.fr
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